(+) how did we get here, when i used to know you so well ?

« Betsy c'est moi. Encore. Répond, s'il-te-plaît. » La jeune femme ferma les yeux pendant un instant, et se laissa tomber sur le fauteuil qui se trouvait non loin de là. Voilà plusieurs heures déjà qu'elle tentait en vain, de joindre sa sœur aînée. Elle posa son téléphone sur la commode, sur son ordinateur portable sachant pertinemment qu'elle n'aurait aucun rappel de la part de Betsy. Depuis qu'elle était arrivée, cette dernière n'avait eu de cesse de tout bonnement l'éviter, elle en était persuadée. Elle la connaissait assez bien pour savoir qu'elle n'avait pas seulement égaré son cellulaire pendant quelques minutes, ou qu'elle était tout simplement trop occupée pour répondre. Non, elle l'ignorait. Elle ne voulait pas lui parler, ce qu'elle pouvait d'un côté comprendre. Marloes décida cependant qu'elles n'allaient pas en rester là, non. Son objectif était de recréer un dialogue, quelque soit la manière dont elle y parviendrait, alors elle se releva d'un bond, se couvrit d'une veste en cuir, et claqua la porte avant de se retrouver dans le hall de l'hôtel. Toute son enfance elle avait rêvé d'y séjourner, histoire de voir « comment ça faisait » d'y passer la nuit. Une vingtaine d'années plus tard son rêvé fut accomplit, bien que ça n'était pas comme cela qu'elle imaginait le contexte dans lequel elle se trouverait. Elle sortit, et prit la direction de l'arrêt du bus le plus proche. Alors qu'elle marchait vers l'abribus, elle sentit quelque chose lui tirer la manche, ou plutôt quelqu'un. La jeune femme se retourna brusquement, méfiante, pensant qu'un pickpocket tentait de lui soutirer le peu d'affaire de valeurs qu'elle avait sur elle. Marloes baissa les yeux, et croisa ceux d'une petite tête blonde, un petit garçon qui selon elle ne devait pas avoir plus de quatre ans. Elle fronça d'abord les sourcils, pas très sûre de comprendre ce qui était en train de se passer. Elle jeta un coup d'oeil aux alentours, mais rien ne vint lui éclairer l'esprit. « Oui bonhomme ? » Elle n'avait aucune idée de ce que ce petit voulait, mais il était trop tard pour qu'elle continue sa route comme si de rien n'était. L'enfant semblait surpris, peut-être l'avait-il prise pour quelqu'un d'autre ? « Maman ? » Oh, c'était donc cela. Marloes se décala afin de ne pas créer un embouteillage de piétons, et l'entraîna avec elle avant de s'accroupir, afin de se mettre à sa hauteur. « Tu t'es perdu ? » Il hocha la tête, elle lâcha un soupir. « Hmm d'accord. Tu viens avec moi, on va retrouver ta maman ? » On apprenait aux enfants de ne pas suivre des inconnus dans la rue, alors rien ne lui disait qu'il allait accepter, mais elle ne pouvait se résoudre à le laisser seule, livré à lui-même. Contre toute attente, il acquiesça et ne rechigna pas à l'idée de lui donner la main. Elle n'eut en fait pas le temps de faire un pas qu'une femme âgée d'une quarantaine d'années accourut vers eux, visiblement paniquée. Elle lui expliqua brièvement le pourquoi du comment elle avait perdu son fils de vue et la remercia un nombre incalculable de fois. « Je vous en prie. » Elle baissa les yeux, et fit demi-tour d'un pas rapide car son bus arrivait. Quelques arrêts plus tard elle descendit, et se dirigea vers l'ancienne maison de ses grands-parents, dans Jordaan. C'est là que Betsy habitait, en tout cas c'est ce qu'elle lui avait dit la dernière fois qu'elles s'étaient vues. Elle avança, tenant fermement son sac à main contre elle. Betsy était là, seule sur le porche. « Je vois qu'on a refait la peinture. » Elle esquissa un sourire, du moins c'est ce qu'elle tenta de faire.

J’entendis mon téléphone portable sonner pour la énième fois, avec pour information le nom et la photo de ma sœur fraichement revenue de sa « cure » pour se retrouver. Seulement voilà, je lui en voulais tellement de m’avoir laissé seule que je ne trouvais pas la force de répondre, ni même d’aller la voir. A vrai dire, j’avais peur de l’affronter, de lui dire combien je lui en voulais et surtout je ne pouvais plus la regarder droit dans les yeux après ce que j’avais fait avec son petit ami. J’avais honte, mais surtout je savais que si elle l’apprenait elle serait capable de quitter à nouveau la ville. Un message s’affichait sur l’écran, m’indiquant que j’avais un nouveau message. Probablement Marloes qui me demandait à nouveau de la rappeler, comme c’était le cas depuis quelques jours. J’ignorais où elle logeait depuis son retour, et j’aurai pu lui proposer de revenir à la maison mais je n’en avais pas la force ni le courage. Derrière mon fort caractère se cachait un cœur, et je n’avais pas pour habitude de me confier niveau sentiment. Ma sœur savait probablement que son départ m’avait affecté, tout comme celui de notre mère il y’a quelques années. Nous lui en voulions et pourtant Marloes ne s’était pas gênée pour faire la même chose pour différentes raisons bien sûr. Après être sortie d’une bonne douche chaude, je décidais de prendre mon déjeuner sur le porche, bien que la journée était assez fraiche. Vêtue d’un pull et d’un jean, chaussée de Uggs beiges, je regardais dans la rue qui était très calme aujourd’hui. Le chant des oiseaux rendait cela encore plus agréable, et j’étais tellement perdue dans mes pensées que je ne remarquais même pas la présence d’une petite blonde qui m’adressa la parole. Cette voix, je pourrais la reconnaitre parmi toutes les autres puisqu’il s’agissait de Marloes. Que faisait-elle ici ? Je l’ignorais mais je ne pouvais plus l’ignorer désormais puisqu’elle se tenait devant moi. Et tout ce qu’elle trouva à dire était une remarque sur la peinture de la maison. Connaissant mon caractère, ma réponse ne devrait pas non plus l’étonner. « Quelle perspicacité. En même temps, ça fait combien de temps que tu n’as pas vu cette maison ? Des années non ? » Lançais-je, sans bouger d’un poil, avant de boire une gorgée de mon thé encore chaud. Marloes n’avait pas changé, mais elle semblait tellement pimpante et grandie. Je ne reconnaissais plus la petite fille qu’elle était avant son départ, et je dois dire que ça me foutait un coup. « Tu es venue me dire bonjour, c’est trop aimable de ta part. » Continuais-je à dire, en accompagnant ma remarque d’un léger sourire un tant soit peu faux. Je n’étais pas prête à la voir, et mon cœur battait terriblement fort. Je devais prendre sur moi au niveau de mes paroles, car après tout elle était revenue et c’est tout ce qui compte. Mais pour le moment, je ne pouvais pas.

(+) how did we get here, when i used to know you so well ?

Elle aurait pu laisser tomber, reprendre un ticket d'avion et retourner de l'autre côté de l'Atlantique, pour de bon. Marloes aurait pu choisir d'abandonner, à force de se heurter à l'ignorance plus ou moins explicite de sa sœur, mais il n'en n'était pas question. La jeune femme avait la ferme intention d'avoir une discussion avec elle, qu'importe les moyens qu'elle devrait utiliser. Depuis qu'elle avait posé les pieds sur le sol néerlandais, il lui était impossible de joindre Besty, celle-ci ne décrochant pas, et ne répondant ni à ses messages vocaux, ni aux textos laissés par dizaine. Ça n'était pas dans son genre d'insister, à part quand quelque chose lui tenait particulièrement à cœur. Lui parler en faisait parti, et elle y parviendrait, même en forçant le destin. Se rendre chez elle lui parut donc la meilleure solution, bien qu'elle se doute qu'elle ne serait pas forcément la bienvenue. Sa peur du rejet était toujours présente, mais différent de ce qu'elle avait pu ressentir avant de se confronter à Adam. En effet, leur relation n'était pas de la même nature, et elles, s'étaient vu pendant toutes ces années, à raison d'une fois par an. Furtivement, certes, mais tout de même. Contrairement à ce qu'elle avait pu ressentir quand elle se rendait chez son ex, Marloes n'avait aucune envie de faire demi-tour, malgré son appréhension. Non, malgré tout ce qu'elle pouvait penser, Betsy restait sa sœur, sa grande sœur. Cette dernière était sur le porche, visiblement en plein repas. C'est sans réfléchir que la cadette s'avança, et prit la parole. Elle passa sa main sur le rebord. Ce dernier lui paraissait plus lisse que la dernière fois qu'elle était venue, d'où sa remarque. « Quelle perspicacité. En même temps, ça fait combien de temps que tu n’as pas vu cette maison ? Des années non ? » Venant d'elle, rien dans sa manière de parler ne la surprenait. Et puis, elle s'y attendait quelque peu, les confettis et mots doux de bienvenue ne seraient pas pour cette fois-là. « Betsy... » Marloes soupira, mais ne tenta pas de rentrer dans son sarcasme, elles s'y perdraient, et puis de toutes manières, toutes les deux pouvant le manier avec brio, elles ne s'en sortiraient jamais. Et puis, Marloes savait qu'elle n'était pas en position de force, alors le mieux était de s'écraser, pour le moment. « Tu es venue me dire bonjour, c’est trop aimable de ta part. » Elle continuait de plus belle, avec le plus beau de ses faux sourires en prime. Marloes détourna le regard, et soupira. Au moins elle lui avait adressé la parole, ce qui était déjà une petite victoire, bien qu'elle se serait bien passé de ces paroles là. « Bienvenue en Alaska Marloes. » Faisant référence au froid avec lequel Betsy venait de l'accueillir, elle murmura, assez fort cependant pour que l’aînée puisse l'entendre. Elle s'était promise de ne pas continuer sur le même ton, mais son envie de répondre avait apparemment prit le dessus sur la raison. Elle haussa les sourcils, et fit quelques pas en avant. Se tenir à cet endroit lui rappela quelques souvenirs, des souvenirs heureux qu'elle et sa sœur avaient eu, alors qu'elles étaient encore enfants. « J'ai bien compris que tu n'es pas exactement heureuse de me voir, mais tu comptes m'ignorer pour toujours ? » Marloes posa son regard qui se voulait plus insistant sur Betsy, et prit appui sur sa jambe droite.

Marloes me connaissait par cœur, tout comme moi je la connaissais dans les moindres détails. Et je savais que sa venue était en quelque sorte pour rattraper le temps perdu et probablement mon confier toute la peine qu’elle avait sur le cœur. Mais j’avais du mal à pardonner, étant quelqu’un de très rancunier. Cependant, lorsqu’il s’agissait de la famille, je ne pouvais pas jouer à ce jeu bien longtemps. D’autant plus que Marloes avait elle aussi son caractère, qu’il valait mieux ne pas réveiller. La jeune femme gardait son calme face à mes remarques, et se contente de souffler comme blasée. En même temps, je n’allais pas lui dérouler le tapis rouge, d’autant plus qu’elle ne m’avait pas donné extrêmement de nouvelles ces derniers temps. Le fait de la voir là, devant moi, me partageait entre le bonheur et la peine. Je ne comprenais pourquoi elle avait choisi de revenir, elle qui semblait si heureuse dans sa nouvelle vie. Heureuse sans moi, ni Adam. Elle me demanda ensuite si je comptais l’ignorer encore longtemps, chose qui me fit sourire narquoisement. A vrai dire, je pourrais continuer ce petit jeu très longtemps, tellement je lui en voulais. « Tu es bien placée pour savoir que je peux faire ça très longtemps. A moins que tu l'aie oublié depuis tout ce temps. » Commençais-je par dire. Marloes savait à quel point j’étais forte à ce jeu, et j’étais capable de la pousser à bout de nerfs. Mais ce n’était pas vraiment mon souhait, bien au contraire. Je voulais simplement lui faire comprendre que malgré le fait qu’on soit resté légèrement en contact, son départ m’avait affecté et ma vie était devenue un bordel total. Quand je dis bordel, je sous entends mes soirées alcoolisées, le fait de ne pas être capable de me trouver un mec stable ou encore le fait que j’ai couché avec son ex-mari. Non vraiment, j’étais loin d’être l’exemple que j’avais été autrefois. Une partie de moi voulait lui cracher tout ça à la figure, quitte à souffrir tandis que l’autre partie me suppliait de me taire. Je bu une nouvelle gorgée de mon thé, et regardais attentivement ma sœur. « Tu es venue pour quelle raison au juste ? » Demandais-je, sans montrer la moindre expression sur mon visage. « Assieds toi, après tout tu connais la maison ! » Ajoutais-je sans pour autant me montrer gentille avec elle. J’avais du mal à baisser ma garde, même si l’envie de la serrer dans mes bras se faisait de plus en plus grande j’avais une certaine fierté qui parfois avait le don de m’énerver.

(+) how did we get here, when i used to know you so well ?

Marloes était contente de la voir, malgré tout. Contrairement à ce qui était dit, à peu près à quiconque s'intéressait à leur vie d'héritière, leur famille n'était ni proche ni soudée. En fait, Betsy était la seule personne qu'elle considérait comme étant sa famille, sa seule famille, étant composée de deux personnes. Leur enfance n'avait pas été malheureuse, mais la chaleur d'une mère aimante et d'un père présent leur avait grandement manquée. Être élevée par des gouvernantes qui restaient quelques mois tout au plus n'était pas exactement la plus stable des éducations, mais c'est ce qui avait faite leur force, à toutes les deux. Elle se souvint d'un temps où c'était « toutes les deux contre le reste du monde », quand Betsy exerçait encore ce rôle de modèle et d'ange gardien. Quand tout allait pour le mieux, dans le « meilleur » des mondes. Marloes n'aimait pas cette distance qu'il y avait avec sa sœur, elles étaient physiquement proches, et pourtant elle avait l'impression que les kilomètres qu'elle avait fait en avion étaient toujours présents. Bien sûr, elle ne pouvait lui en demander trop d'un coup. Elle la connaissait assez pour savoir que cette froideur qu'elle dégageait n'était qu'une carapace, qu'elle aurait plus ou moins du mal à retirer. Chaque chose en son temps. « Tu es bien placée pour savoir que je peux faire ça très longtemps. A moins que tu l'aie oublié depuis tout ce temps. » Elle n'avait rien oublié de sa sœur, encore moins ce trait particulier de son caractère. Qui le pourrait, de toutes manières ? Betsy avait ce dont pour énerver quiconque l'approcherait de trop près. Marloes ne prit pas la peine de répondre, ou elles se livreraient à un dialogue de sourds, et c'était la dernière chose qu'elle souhaitait. Selon elle, c'était déjà un miracle que Betsy lui adresse la parole, alors elle ne voulait pas risquer de perdre cela. Le son de sa voix, cette vois qui lui avait tant manqué. Une dizaine de mois s'étaient écoulés depuis qu'elles s'étaient retrouvées, le temps d'une journée à peine, et pourtant c'est comme si elle ne s'étaient pas vues depuis une éternité. Après réflexion, c'était tout comme. Se voir pendant quelques heures en quelques années seulement, cela avait de quoi défaire des liens. Elles qui étaient si proches et complices se parlaient à peine. A qui la faute ? Marloes savait, elle assumerait les conséquences de ses actes. Elle n'était en rien fière d'avoir tout abandonné, tout quitté du jour au lendemain pour aller essayer de refaire sa vie ailleurs, mais hélas, elle l'avait bien fait. Blessant les gens qui comptaient pour elle au passage. « Tu es venue pour quelle raison au juste ? Assieds toi, après tout tu connais la maison ! » C'est le visage dénué de toute expression qu'elle reprit la parole, sirotant son thé. Si elle ne la connaissait pas, Marloes aurait tout simplement déduit que sa sœur se fichait pas mal de sa présence. En même temps, elle en avait fortement l'air, elle ne la regardait pas, ses yeux ne cillaient pas non plus. Marloes prit place sur l'une des chaises, remit ses cheveux en place, avant de baisser les yeux. « Je suis venue pour.. Pour te demander pardon, Betsy. » Rien avoir avec le ton qu'elle avait employé plus tôt, sa voix était plus douce. Elle n'avait aucune idée de comment est-ce qu'elle allait réagir. Besty ne faisait pas parti de ces gens qui parlaient facilement de sentiments, et qui se livraient à cœur ouvert. Marloes avait même peur qu'avec le temps, elle ne soit devenue plus difficile à atteindre. « De t'avoir laissé. »

Enfants, Marloes et moi étions soudées comme les doigts de la main, d’ailleurs nous étions bien les seules à l’être. Contrairement à ce que l’on pouvait raconter sur notre famille, ma sœur et moi n’avions pas une complicité débordante avec notre mère, et encore moins avec notre paternel. Je me souviens ne pas avoir partagé de longs et grands moments avec eux, simplement quelques repas de familles barbants, où nous devions faire semblant de nous entendre à merveille. La seule personne avec qui j’avais une complicité était Marloes, et elle savait très bien que je l’aimais terriblement. Et ce malgré toute la rage que j’avais en ce moment même. Je me souvenais de certains soirs lorsque nous étions des petites filles, où l’orage grondait et où personne n’était pas pour nous rassurer. J’avais une peur bleue du tonnerre, et Marloes également. Mais nous nous sommes toujours soutenus dans les moments difficiles lorsque nous étions enfants, d’ailleurs nous avions inventé une chanson contre l’orage. Enfin bref, elle me présenta toutes ses excuses d’une voix douce. Marloes savait s’y prendre avec moi, et sa voix me rappelait l’enfance lorsqu’elle faisait des bêtises et qu’elle me demandait de ne rien dire à notre père. « Tiens donc. » Commençais-je par dire, faisant mine d’être étonnée. Je jouais avec le feu, j’en étais consciente. Marloes faisait énormément d’effort pour tenter d’atteindre mon cœur, mais malheureusement j’avais du mal à donner mon point de vue lorsqu’il s’agissait de sentiments. Je pris de nouveau une gorgée de mon thé, qui était désormais froid et donc horriblement dégoutant. Marloes termina par dire qu’elle s’en voulait de m’avoir laissé, et à ce moment là je sentis quelques larmes monter en moi. Des larmes que bien entendu je tâchais de retenir afin que ma sœur ne voit pas cette faiblesse. « Tu veux que je te dises pourquoi je t’en veux Marloes ? » Demandais-je sans vraiment attendre de réponse venant de sa part. Je pris mon souffle, et commençais à m’ouvrir. « Je t’en veux car quand on était gosse, on s’était promit de ne jamais s’abandonner comme maman la fait. » Une larme coula le long de ma joue, que cette fois-ci je ne pu garder en moi. Ma main effleura alors mon visage afin de la retirer furtivement, avant de reprendre la parole. « Tu ne vaux pas mieux qu’elle finalement. » Terminais-je par dire, en faisait allusion à notre chère mère. La colère me faisait dire d’horrible chose, mais une fois sorties tout irait mieux.

(+) how did we get here, when i used to know you so well ?

Le ton peu flatteur qu'employait Betsy depuis le début de leur conversation -si l'on pouvait appeler cela comme ça-, et depuis quelques temps maintenant n'avait pas réussi à refroidir Marloes, malgré sa remarque. Celles de sa sœur étaient lourdes de sens, des attaques indirectes. C'était sa manière de s'exprimer, cela faisait longtemps qu'elle l'avait compris. A vrai dire, elle l'avait toujours connu comme cela, avec son franc-parlé, manquant peut-être parfois de tact. Mais elle était connue pour ne pas mâcher ses mots, en particulier quand la colère l'avait envahie. Elle n'épargna donc pas sa sœur, lui faisant comprendre que sa présence la dérangeait. Au moins, elle n'était pas indifférente à sa venue, du moins pas autant qu'elle le prétendait car c'était l'une de ses craintes. Son attitude désinvolte aurait pu en duper plus d'un, mais pas Marloes, non. Désormais assise aux côtés de Betsy, ayant plus ou moins invitée par cette dernière à prendre place, elle se lança, à cœur ouvert. Elle savait bien que sa sœur n'était pas particulièrement fan de discussions profondes et intimes, mais là, elles s'imposaient à elle. Elle s'excusa, tout bonnement. Elle avait l'impression de ne faire que cela, ces derniers temps. En deux jours, elle avait du le faire une dizaine de fois, ce qui était déjà beaucoup, surtout pour elle. Marloes n'avait dans le passé, presque jamais eu à demander pardon à quiconque. Elle faisait parti des « bonnes personnes », celle à qui on causait habituellement du tort, elle était du côté des gentils si l'on voulait parler en caricature. Malgré l'assurance qu'elle affichait, le visage de la jeune femme perdit légèrement de son éclat. Elle appréhendait la réaction de sa sœur, même si elle la connaissait probablement mieux que personne. Il était difficile de prévoir ses réactions à l'avance, elle pouvait seulement en avoir une idée, et encore. « Tiens donc. » Elle prit un air faussement étonné, le sarcasme se sentait toujours dans sa voie. Marloes ne dit rien, sentant qu'il ne valait pour l'instant mieux pas l'ouvrir. Le caractère de Betsy était semblable à celui d'un volcan, et à cet instant, elle était sur le même d'entrer en éruption. Ses traits qui jusque là semblaient plutôt moqueurs se durcirent, faisait apparaître une jeune femme plus vulnérable. La carapace était sur le point de tomber, la lave sur le point de couler. « Tu veux que je te dises pourquoi je t’en veux Marloes ? » Cela la renvoya à sa confrontation avec Adam, avec qui elle avait eut droit à pas mal de questions rhétoriques. Son pouls accéléra, et même si elle avait une légère idée de ce qui allait suivre, elle eut peur. Peur de ce qu'elle pourrait entendre. « Je t’en veux car quand on était gosse, on s’était promit de ne jamais s’abandonner comme maman la fait. » Cette révélation eut l'effet d'une bombe dans l'esprit, et surtout dans le cœur de Marloes. Elle se souvenait de cette promesse qu'elles s'étaient faites. Elles étaient dans une cabane fabriquée par leurs soins et principalement composée de draps et couvertures en tous genres. Elles avaient « juré craché », au sens propre. Et surtout, l'improbable se produisit. Betsy versa une larme qu'elle prit soin de faire disparaître, mais versa une larme tout de même. Partagée entre la tristesse causée par les mots de sa sœur, le fait qu'elle montre ses émotions, et sa propre culpabilité, Marloes sentit à son tour, les larmes monter. Elle fut même prise d'un élan d'affection, elle allait joindre ses mains à celle de Betsy, quand cette dernière lui fit une dernière révélation, et pas des moindres. « Tu ne vaux pas mieux qu’elle finalement. » Elle ouvrit grand les yeux, lèvres plissées, et eut un mouvement de recul, choquée. Oui, elle était choquée. Leur mère ? « Comment peux-t.. » Sa voix se brisa, et les larmes se déversèrent, l'empêchant de terminer sa phrase. « Me comparer à une femme qui a abandonné ses propres enfants pour un homme ? » Elle se leva, manquant presque de faire tomber la dite chaise au passage. Elle ne prit même pas la peine d'essuyer les larmes qui coulaient le long de ses joues et poursuivit. « Je comprends que tu sois blessée par ma faute, Betsy. Et j'en suis suis sincèrement désolée, je m'en veux, ok ? Je m'en veux. » Elle prit une grande inspiration. « Mais ça.. Ça non. »