Sa peau contre la sienne. Ses mains qui parcourent son corps. Ses lèvres qui happent les siennes, qui le met à genoux, qui réveille le feu en lui. Le son rauque de sa voix quand il murmure son nom. Arno est au paradis. Il ferme les yeux, se laisse plaquer contre le mur sans opposer aucune résistance, frissonne quand l'autre passe ses mains sous son tee-shirt pour le lui ôter, se mord la lèvre quand il sent sa bouche glisser dans son cou. Que personne ne le tire de ce rêve éveillé. Il veut rester là, suspendu dans le temps, pendant que l'autre fait de son corps un sanctuaire. La bouche mutine glisse le long de son torse, emprunte des chemins dangereux mais qu'Arno ne peut qu'encourager. Son corps n'est plus qu'un brasier. Sans retenue, il s'abandonne à cet homme, oubliant le lendemain matin, oubliant tout, absolument tout, même son propre nom. (...) Arno s'extirpa discrètement des draps de son amant d'une nuit. Il se rhabilla en silence, tâtonnant contre un meuble ou un coin de lit, dans la pénombre qui baignait la chambre aux allures de champ de bataille. Son coeur battait encore tout fort, un peu trop à son goût pour ce qui ne devait être qu'une histoire sans lendemain, bien nette, sans bavure. C'est que... Il était différent. A contre-coeur, il laissa ses prunelles s'attarder sur les courbes qu'il devinait sous les draps, ce corps qu'il avait exploré sans retenue la nuit dernière. A cette pensée, les joues d'Arno s'embrasèrent et il détourna le regard, accélérant la cadence. Il devait encore passer chez lui pour prendre une douche, se changer et filer au travail. Il lança un dernier regard à son inconnu, ignorant le pincement au coeur qu'il ressentit à l'idée de ne jamais le revoir et ferma la porte derrière lui, dévalant les escaliers. (...) « Arno ? Apportez les cafés et les dossiers dans la salle de réunion. Nous accueillons un nouvel associé aujourd’hui. » Le jeune homme acquiesça et partit s’exécuter en soupirant. Faites des études, qu’ils disaient. Après cinq ans de galère, il parvenait enfin à obtenir son diplôme et tout ce qu’on lui proposait, c’était de servir le café. Il n’avait pas touché un crayon depuis qu’il était arrivé dans le cabinet. Merveilleux. Précautionneusement, il disposa les tasses et le café sur un chariot, prit les dossiers au passage et entra à reculons dans la salle de réunion, où les chefs de projet discutaient déjà. Blasé, et ne cherchant même pas à le cacher, il se mit à servir tandis qu’on ne prêtait pas vraiment attention à lui. Putain de boulot. Et il était sensé s’épanouir, là ? Seigneur, il en avait par-dessus la tête. Tout à ses pensées, Arno n’entendit pas la porte s’ouvrir et ne releva la tête que lorsqu’il perçut la voix du nouvel arrivant. « Navré du retard, il y avait un problème de tramway. » Arno releva si brusquement la tête qu’il faillait s’en dévisser la tête. Lui. Cette voix. Leurs regards se croisèrent et le temps sembla s’arrêter une seconde fois. Mais pas pour les mêmes raisons. Sans pouvoir la contrôler, Arno sentit la panique l’envahir. Le seul point positif était que l’autre avait l’air aussi affolé que lui. « Jan, ne vous en faites pas. Asseyez-vous. Arno, vous pouvez disposer. » Encore tremblant, sous le choc, Arno ne se fit pas prier pour quitter la pièce et claqua la porte si brutalement qu’il en fit trembler les murs. Son cœur cognait à lui en déchirer la poitrine. Il était foutu.

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