(+) there's still a little bit of your taste, in my mouth

Quatre jours que Marloes était revenue, elle réapprenait petit à petit à vivre dans la ville. Ses souvenirs étaient intactes, elle savait parfaitement se repérer, se déplacer seule, mais avoir été absente pendant de si longues années n'était pas négligeable. Elle n'avait pas encore eu le courage de contacter ses amis, bien qu'elle soit à peu près certaine que peu d'entre eux accepteraient de la laisser à nouveau rentrer dans leur vie. En repensant à sa meilleure amie d'enfance, elle eut un pincement au cœur. Elle se rappela ses projets de bébé et de mariage, tout comme elle, au même âge. Elle se demanda alors si elle réussi, si elle avait accompli ses rêves. Si elle avait eu cette vie, qui avait été retirée à Marloes, injustement. La jeune femme séjournait toujours à l'hôtel, telle une étrangère, mais elle se voyait mal se pointer avec ses valises dans la maison que leur grands-parents leur avait légué, et surtout là où résidait à présent Betsy. Surtout que cette dernière lui faisait bien comprendre qu'elle se passerait bien de la voir, en filtrant ses appels. La jeune femme décida de laisser passer un peu de temps, mais elle elle s'y rendrait tout de même plus tard. Pas pour s'y installer, mais simplement pour lui parler. L'aînée prétendrait qu'il n'y avait rien à dire, la connaissant, alors elle préparait déjà mentalement ses contre-arguments. L'ironie de la situation était la ferveur avec laquelle Marloes s'attelait à éviter les appels de son père. Elle l'avait eu quelques fois au téléphone en six ans où il était parti. Plusieurs fois il l'avait supplié de revenir, essayant de l'amadouer avec de l'argent, encore de l'argent et toujours de l'argent. C'était tout ce qu'il savait faire, acheter les gens. Il ne savait fonctionner autrement, au fond, il lui faisait de la peine. Depuis son retour, elle s'était contentée de répondre à un mail, où elle lui avait donné le minimum d'informations. Elle ne tenait pas exactement à ce qu'il recommence à vouloir s’immiscer dans sa vie, prétendant être un père digne de ce nom. Pour le reste elle ne faisait pas grand chose de ses journées. Voilà deux jours qu'elle avait vu Adam, qu'elle l'avait revu depuis six longues années. Elle était sortie de son appartement en larmes certes, mais soulagée. Soulagée qu'il ne l'ait pas complètement oubliée, qu'il ne soit pas devenu un homme cynique et méchant par sa faute. Elle avait redouté ce changement de caractère, et avait été plutôt agréablement surprise. Certains de ses mots l'avaient blessé, mais elle les avait probablement mérité. Elle avait compris que tout comme elle, certaines blessures étaient encore vives, les plaies à demi-ouvertes. Et même si cela était de sa faute, ils avaient toujours cela en commun. Elle l'avait trouvé un peu changé, physiquement. Il faisait plus homme, non pas qu'il ne le fasse pas avant, mais ses traits se voulaient plus prononcés. Le bleu de ses yeux était toujours aussi intense, tellement qu'elle avait parfois eu du mal à soutenir son regard, comme au début de leur relation. Il lui en voulait, mais une parole particulièrement l'aidait à garder espoir qu'un jour, ils puissent se réconcilier. Elle ne pensait pas forcément à un avenir amoureux, il était encore bien trop tôt, et puis elle doutait qu'il veuille encore avoir quelque chose avec elle, mais elle voulait qu'au moins, ils arrivent à avoir des rapports cordiaux. Il lui avait dit qu'il arriverait peut-être à lui pardonner, ce qui faisait la différence. Ce ne serait pas pour tout de suite, mais cela faisait son chemin. Marloes se dit qu'elle irait faire un tour dans son bar, voir à quoi il ressemblait. Elle n'en n'avait d'ailleurs entendu que du bien. Vêtue d'un perfecto noir en cuir, d'une paire de jeans et de converses basses et blanches, Marloes quitta l'hôtel, laissant ses cheveux blonds et bouclés au vent. Il était dans les alentours de vingt heures, lorsqu'elle mit les pieds dans le bar. Il était plein de monde, ce qui la fit légèrement sourire. La musique se voulait acoustique et pour cause, un homme chantait. Adam chantait. Marloes frissonna, à la fois étonnée, touchée, et heureuse pour lui. Sa voix lui avait manqué, malgré tout. Se voulant la plus discrète possible, la jeune femme s'assit dans un coin, à l'extrémité de la salle, les yeux rivés sur lui, admirative.

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Pendant ces six années passées à l'étranger, Marloes avait avait pas mal de choses, en particulier sur elle-même. Elle avait surtout compris qu'elle avait changé, qu'elle le veuille ou non. Avoir perdu son enfant l'avait traumatisée à tout jamais et elle avait eu beaucoup de mal à réapprendre à vivre. Elle avait pensé que partir l'aurait aidée à avoir les idées plus claire, et peut-être, lui redonner goût à la vie. Le temps avait fait son effet, elle avait grandit, vieillit, et avait fait son deuil. Elle y avait mis plusieurs mois, mais elle y était parvenue, seule. Ça n'était pas forcément l'idéal étant donné son état psychologique de l'époque, mais elle y était parvenue tout de même. Et puis, elle avait réapprit à sourire, et plus tard à rire. Les premiers temps, elle dut se forcer un peu car l'envie n'y était plus, et puis enfin, ses sourires redevinrent sincères. Le vert de ses yeux se mit à pétiller de nouveau, au bout de deux ans. Elle avait alors songé à revenir, mais la peur, la honte et la culpabilité l'en empêchaient. Peut-être qui si elle était revenue plus tôt, les choses auraient été différentes. Marloes se demandait si elle en aurait été au même point c'est à dire avoir pas mal de gens à dos, ou bien au contraire, elle aurait réussi à recoller les morceaux, et tout serait rentré dans l'ordre. Elle n'en saurait jamais rien, mais ce qu'elle pouvait à présent faire, c'était d'essayer d'arranger les choses. La tâche ne serait pas facile, mais elle ne lâcherait rien. Marloes ne savait pas si se rendre directement au bar que tenait Adam était une bonne idée, mais elle n'avait plus rien à perdre. Littéralement, alors elle tenterait le tout pour le tout. Elle ne voulait aucunement qu'il se sente harcelé ou oppressé par elle, son but était seulement de renouer un minimum. Ne plus avoir cette impression d'être des étrangers l'un pour l'autre s'ils venaient à se croiser par exemple. Lorsqu'elle alla s'asseoir dans le coin de la salle, Marloes se revit sept ans en arrière, alors qu'ils étaient encore fiancés, et qu'elle avait droit à des concerts privés, et que certaines chansons lui avaient même été dédiées. Ses talents de musicien, en plus de physique plus que correct avaient contribué à ce qu'elle tombe amoureuse de lui et, six ans plus tard, son talent avait toujours le même effet. La jeune femme se surpris à bouger la tête, en rythme. La chanson prit fin, c'était apparemment la dernière, et le publique se mit à applaudir. Elle l'observa descendre de scène, visiblement heureux d'avoir pu partager ce moment avec du monde. Marloes se leva, et se faufila un chemin en direction du jeune homme, léger sourire aux lèvres. Elle aurait pu le saluer, si une femme ne lui avait pas coupé l'herbe sous le pied. Elle était assez près pour entendre leur conversation, mais invisible à leurs yeux, la lumière jouant en sa faveur. « J'ai vraiment aimé votre façon de chanter. » Hein ? Oui, elle parlait bien à Adam. Son Adam . Techniquement, il n'était plus sien depuis un bon moment, mais elle ne put s'empêcher de se sentir attaquée. Elle fronça les sourcils, attendant impatiemment la réponse de l’intéressé. « C'est gentil, merci. » Et il sourit de toutes ses dents. Marloes grimaça, pour une raison inconnue, elle avait l'impression d'être trahie, alors qu'il n'y avait pas lieu qu'elle se sente comme ça. Ou qu'elle ressente quelque chose d'autre de la sorte, d'ailleurs. Les regards qu'ils échangeaient ne lui plaisaient pas, elle serra les dents. « Si ça vous dit je serais là à la fin du show. » Adam rit, mais ne répondit pas, se contentant de reprendre ses activités, et la brune le suivit du regard, langoureusement. Beurk. Son cœur se mit à battre la chamade, une pointe de jalousie semblait naître en elle. Peut-être qu'elle n'avait pas bien fait de venir après tout, peut-être que cela était un signe. Oui, après tout, Adam avait du refaire sa vie depuis le temps. Et si le fait qu'il n'ait pas répondu aux avances de la jeune femme signifiait qu'il était déjà engagé avec quelqu'un d'autre ? Elle devait partir, le plus vite possible. C'est d'un pas vif que Marloes se dirigea vers cette même porte où elle venait de rentrer, mais elle n'y parvint pas. Son téléphone décida de faire des siennes et vint s'éclater contre le sol, aux pieds d'une homme. Elle se baissa afin de le ramasser, et quand elle se releva, elle dut faire face à Adam. Elle avait juste envie de mourir sur place. « Oh, hey. » Néanmoins, elle tenta de faire bonne figure, et esquissa un sourire, un peu gênée.

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Adam avait vraiment l'air d'être dans son élément sur scène, comme si rien d'autre ne comptait. Il était comme un poisson dans l'eau, ses expressions du visages étaient plus expressives, ce qui aurait pu en faire fondre plus d'une, Marloes y comprit. Et alors qu'elle s'en allait le féliciter, elle assista à un spectacle dont elle se serait bien passée. Il avait d'ailleurs suffit à la refroidir, et lui fit prendre la décision de quitter le bar le plus vite possible, incognito. Manque de chance, son portable n'était pas dumême avis, puisqu'il ne trouva rien de mieux à faire que de venir se jeter aux pieds du jeune homme. Soit, LA personne qu'elle était en train d'évite. Il n'y avait plus de doute ; Karma really is a bitch. Elle s'empressa de le ramasser, et se releva, se demandant comment est-ce qu'elle allait sortir de cette situation, pas certaine qu'il y ait de solution. Etant donné qu'elle se trouvait à présent en face de lui, il ne lui restait plus qu'à jouer le jeu, et à le saluer. C'est timidement qu'elle articula quelques mots à son attention. Elle n'était pas cetaine qu'il l'ait entendue, étant donné qu'une musique de fond était jouée, maintenant que le showcase était terminée. Elle se décala afin de laisser un jeune homme passer. « Tu comptais vraiment t'en aller sans venir dire bonjour ? » Euh, oui. Si elle avait du le faire, elle serait même partie à quatre pattes en rampant, elle aurait été prête à tout pour qu'il ne la voit, pas après ce qu'elle venait de voir. Elle tenta de lui sourire, pendant qu'elle cherchait quelque chose de potable à lui répondre. Heureusement pour elle, elle n'eut pas à prendre la parole de suite, car elle comprit que sa questions n'en n'était pas vraiment une. Il l'avait tout simplement déduit, elle se mordit l'intérieur de la lèvre inférieure. « On était si mauvais que ça ? » Et là, il se mit à rire. Chose qu'elle ne l'avait pas vu faire depuis des années. Elle ne put s'empêcher de sourire, beaucoup franchement et sincèrement cette fois. L'émotion la gagna, elle ne pensait pas qu'il lui reparlait un jour, et encore moins qu'il pourrait se montrer sympathique. Cela lui fit réaliser qu'elle avait vraiment perdu un homme bon, l'homme de sa vie. Même s'ils n'étaient plus ensemble, et n'avaient légalement jamais été mariés. En guise de réponse, elle haussa les épaules, et fit une moue, taquine. « D'ailleurs je te connaissais pas aussi bien je dirais que tu me suis. » Il n'avait pas perdu son sens de l'humour, pour le plus grand bonheur de la jeune femme, qui à son tour, lâcha un petit rire, avant de baisser les yeux, intimidée. « Non je.. Je ne voulais juste pas déranger. » Elle détourna le regard, la situation étant redevenue un peu embarrassante. Elle faisait référence à sa petite conversation avec la brunette. D'ailleurs en tournant la tête, elle se rendit compte que cette dernière les regardait, pas très discrètement. Elle passa une main dans ses cheveux, manie qu'elle avait depuis toujours, lorsqu'elle était soit stressée, angoissée, anxieuse et surtout gênée. « Mais hum.. » Elle cherchait ses mots, tentant de rendre la situation moins bizarre. « J'ai beaucoup aimé, moi aussi. » Le « moi aussi » était en trop, car elle laissait sous-entendre qu'elle l'avait entendu parler avec la jeune femme. Elle s'en voulut intérieurement aussitôt qu'elle ouvrit la bouche. Ensuite, elle désigna l'ensemble du bar de sa main droite. « En tout cas, tu as fait du bon travail. » Elle sourit. « Je suis contente pour toi. »