Elle avançait machinalement, faisant un pas devant l'autre sans réellement savoir où elle allait. Sa valise en main, Marloes franchit le pas de l'une des portes automatiques de l'aéroport d'Amsterdam. Le vent était froid, et soufflait suffisamment pour qu'elle doive se passer la main dans les cheveux à maintes reprises. La jeune femme leva les yeux vers le ciel, et prit une grande inspiration avant de se diriger vers un taxi. Le conducteur se montra fort agréable mais malheureusement pour lui, Marloes n'étant pas d'humeur très causante. Elle se contenta de lui sourire poliment, et de s'asseoir sur la banquette arrière. « L'hôtel Sebastian's s'il-vous-plaît. » Il tenta à nouveau de faire la conversation, mais se heurta une nouvelle fois à un mur. Cela n'était pas dans ses habitudes d’être aussi froide, mais l'anxiété l'avais gagnée, et les tisanes aux herbes soi disant reposantes n'avaient rien fait pour y remédier. Elle posa sa tête contre la vitre de la portière, et posa son regard sur l'extérieur et se mit ensuite à contempler cet environnement qu'elle avait laissé six ans et quelques mois plus tôt. Tout lui revenait ; les passages, les petites ruelles et grandes avenues, son école primaire, et même le petit parc où Grazielle, la gouvernante italienne avait pour habitude de les y emmener elle et Betsy. Voilà un certain temps qu'elle n'y avait pas mis les pieds, et pourtant tout était encore intact dans sa mémoire, comme si elle n'était en fait jamais partie. Comme si elle n'avait pas décidée de faire une croix sur sa vie qu'elle avait à l'époque jugée chaotique. Et pourtant. La jeune femme eut une envie soudaine, celle de descendre de la voiture, et de marcher. Elle fit donc signe au chauffeur de s'arrêter, s'empara rapidement de sa valise rangée dans le coffre, juste avant de rebrousser chemin. « Gardez la monnaie ! » Son sourire fut un peu plus convaincant que celui qu'elle lui avait faite une dizaine de minutes plus tôt. Une force surnaturelle la poussa à se rendre dans le fameux square, qui semblait peu fréquenté. Il était bel et bien vide, et pour cause, la météo n'était pas exactement au grand soleil et crèmes glacées. Mais peu importait, Marloes prit un petit sentier, monta et descendit quelques marches, et se retrouva face à des balançoires. L'une des deux n'existait apparemment plus, elle se mordit la joue de l'intérieur. Lentement, elle marcha vers la survivante et vin s'asseoir dessus. Une dizaine d'années qu'elle n'avait pas fait cela, mais un certain retour aux sources s'imposait. Et là, elle se refit le film de sa vie. Cette vie qui de l'extérieur, paraissait idyllique. Des parents pleins aux as, qui s'en serait plaint ? Personne, s'ils avaient été des modèles, ce qu'ils n'avaient jamais réussi à être et encore moins à devenir. Et puis, ce qu'elle considérait comme étant le début de sa vie, sa rencontre avec Adam. Malgré tous les événements qui avaient suivi, Marloes n'avait jamais regretté de l'avoir rencontré, jamais. On aurait par contre pu en avoir l'impression, à cause de certains propos qu'elle avait tenu sous le coup de la colère, mais surtout de la tristesse et du désespoir. Elle commença à balancer ses jambes, de manière à s'élever dans les airs. Un léger sourire vint s'afficher sur ses lèvres, lorsqu'elle repensa au jour de son mariage. Elle était jeune, mais heureuse. Tout allait pour le mieux, elle était enceinte et amoureuse. Il lui était arrivé dans le passé de souhaiter remonter le temps, et revivre cet instant. Les semaines et mois qui suivirent lui revinrent aussi en tête, aussi attristants soient-ils. Le mal-être immensément douloureux qu'elle avait ressentie lorsqu'on lui annonça que son bébé ne vivrait plus. Son bébé, et celui d'Adam, ce qu'elle avait souvent eu du mal à prendre en compte, étant essentiellement centrée sur sa propre peine. Et puis, elle se souvint de ce mutisme dans lequel elle s'était plongée, puis la demande d'annulation de mariage, puis son départ qu'elle ne pensait au début pas définitif. Il lui avait fallu quasiment sept longues années pour se rendre que malgré tout ce qui avait pu s'y passer, Amsterdam était sa ville, sa maison. Adam s'y trouvait, du moins c'est ce qu'elle avait entendu aux dernières nouvelles. Il fallait qu'elle le retrouve, coûte que coûte.